À la veille de la CAN 2025 au Maroc, les réformes annoncées par la Confédération africaine de football ont provoqué une vague d’indignation sans précédent. Plus que leur contenu, c’est la philosophie qui les sous-tend qui interroge. Pour de nombreux observateurs, ces changements portent clairement la marque de Gianni Infantino, président de la FIFA, dont l’influence sur Patrice Motsepe et la gouvernance de la CAF est désormais ouvertement dénoncée.
La décision la plus controversée concerne le passage de la Coupe d’Afrique des Nations à un format quadriennal à partir de 2028. Présentée comme une modernisation, elle est perçue par une large frange du public africain comme un alignement pur et simple sur le modèle européen, sans considération pour les réalités du continent. Contrairement à l’Europe, la carrière d’un footballeur africain de haut niveau est souvent courte et instable. Espacer la CAN de quatre ans signifie, pour beaucoup, ne jamais connaître cette compétition emblématique.
À cette réforme s’ajoute le projet de Ligue des Nations africaine, qui cristallise lui aussi les critiques. Là encore, l’impression dominante est celle d’une copie mal adaptée d’un modèle conçu pour d’autres contextes économiques, logistiques et sportifs. Les contraintes liées aux déplacements, aux infrastructures inégales et à la fragilité financière de nombreuses fédérations africaines rendent ce projet difficilement applicable sans un profond réajustement.
Mais au-delà des formats et des calendriers, c’est la gouvernance même de la CAF qui est remise en question. La proximité entre Patrice Motsepe et Gianni Infantino, déjà soulignée lors de l’élection du président sud-africain à la tête de la confédération, alimente aujourd’hui l’idée d’une CAF sous influence. Plusieurs voix dénoncent une confédération où les décisions majeures se prennent par alignement stratégique avec la FIFA, parfois au détriment de la consultation réelle des acteurs africains.
Cette situation relance une interrogation fondamentale : l’Afrique conserve-t-elle une autonomie réelle dans le football mondial ? Le sentiment d’une pression plus forte exercée par la FIFA sur la CAF que sur d’autres confédérations nourrit un malaise profond, dans un continent déjà traversé par des fractures géopolitiques et culturelles. L’Afrique du Nord, l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone semblent évoluer selon des logiques différentes, sans vision commune suffisamment affirmée.
À l’orée de la CAN 2025, Patrice Motsepe fait face à un tournant décisif. Soit ces réformes deviennent le point de départ d’un dialogue continental sincère, soit elles consacrent durablement l’image d’une CAF qui subit plutôt qu’elle ne décide. Dans tous les cas, le débat est désormais ouvert, et il dépasse largement le cadre d’un simple tournoi.