Gernot Rohr est en train de faire taire les sceptiques. À son arrivée, après deux campagnes décevantes, le technicien franco-allemand avait surpris tout le monde par son ambition : « Je perçois un esprit d’optimisme ici, les gens veulent construire quelque chose avec de jeunes joueurs. Participer à la Coupe du monde 2026 serait un rêve. L’Afrique ne sera plus représentée par cinq pays, comme par le passé, mais par neuf, voire dix, si une équipe se qualifie via les barrages. » Une déclaration jugée irréaliste à l’époque. Deux ans plus tard, elle résonne comme une prophétie en train de se réaliser.
Un chantier devenu projet
Malgré un ratio de victoires encore modeste à ses débuts, Rohr a su redonner de la cohérence et une direction claire à la sélection. Il a réussi là où d’autres avaient échoué : qualifier le Bénin pour la CAN 2025, après deux absences consécutives. Mais au-delà des résultats, son mérite réside surtout dans la reconstruction d’un groupe solide, où l’expérience se mêle à la jeunesse.
Sous son impulsion, plusieurs jeunes issus du championnat local et de l’étranger ont découvert la sélection, symbole d’une politique de renouvellement assumée. Rohr a misé sur l’avenir, tout en conservant une exigence tactique et mentale qui redonne aux Guépards une véritable identité de jeu.
Un coaching payant à Kigali
Le match d’hier face au Rwanda en est la parfaite illustration. Dans une rencontre longtemps fermée, les Guépards ont manqué de justesse technique et de créativité offensive. Après une première période sans relief, Rohr décide de changer la donne à la 46ᵉ minute, en faisant entrer Tosin Aiyegun.
À la 80ᵉ minute, Rohr ajuste encore son plan : il fait sortir Dokou et Andréas pour lancer Razack Rachidou et Romaric Amoussou. Quelques instants plus tard, ce dernier combine parfaitement avec Mounié avant de servir Tosin, qui conclut avec sang-froid. Coaching gagnant, victoire 0-1.
Le travail d’un vrai meneur d’hommes
Au-delà du résultat, c’est la méthode Rohr qui impressionne : rigueur, calme et gestion humaine. Le cas Tosin en est la preuve. Plutôt que de le brusquer, le sélectionneur et son staff ont préféré le ménager, gérer ses minutes et l’impliquer progressivement. Ce management mesuré porte aujourd’hui ses fruits.
Dans le vestiaire, après la victoire, Gernot Rohr a livré un message fort à ses joueurs : « Restez solidaires, ne vous enflammez pas. Allez tôt au lit, reposez-vous, récupérez. L’ultime match à Uyo, c’est dans trois jours. » Une phrase simple, mais révélatrice d’un état d’esprit : celui d’un groupe concentré sur l’essentiel.
S’il parvient à mener le Bénin jusqu’à la Coupe du monde 2026, ce serait sans doute le plus grand exploit de l’histoire du football béninois et la preuve que la folie visionnaire de Rohr était en réalité une lucidité de bâtisseur.